Le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris a annulé deux commandements de payer délivrés par EOS France, fondés sur une ordonnance d’injonction de payer de 2006, irrégulièrement signifiée.
La société, reconnue de mauvaise foi, a été condamnée pour avoir tenté de recouvrer une créance prescrite depuis 2018.
???? Mise à jour le 5 octobre 2025
Le 28 juin 2023, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris a rendu un jugement particulièrement ferme à l’encontre de la société EOS France, représentée par Me Claire Bouscatel, face à une débitrice assistée de Me Paul-Émile Boutmy, avocat au barreau de Paris.
L’affaire concernait une ordonnance d’injonction de payer rendue le 24 février 2006 par le tribunal d’instance de Paris au profit de la société Finaref, devenue Crédit Agricole Consumer Finance puis cédée à EOS France en 2017.
Sur le fondement de ce titre, EOS France avait :
délivré un commandement de payer le 27 octobre 2017 pour un montant de 7 609,79 €,
puis un second commandement de payer le 8 juin 2022, réclamant près de 9 747 €.
La débitrice, contestant ces mesures, a assigné la société en soutenant :
que la signification du 27 octobre 2017 avait été effectuée à une adresse inexacte, alors que le créancier connaissait sa véritable domiciliation,
que la prescription du titre exécutoire était acquise depuis le 19 juin 2018,
et qu’EOS France agissait de mauvaise foi, ayant tenté d’interrompre artificiellement la prescription.
Le tribunal retient que la signification du 27 octobre 2017, effectuée selon l’article 659 du code de procédure civile, a été faite à une adresse obsolète, alors qu’un courrier d’EOS France du 17 mai 2017 attestait qu’elle connaissait la nouvelle adresse de la débitrice.
Le juge constate la mauvaise foi du créancier, considérant que cette signification à une fausse adresse était destinée à simuler un acte interruptif de prescription.
En conséquence :
l’acte de 2017 est nul,
aucun effet interruptif ne peut lui être reconnu,
et la prescription décennale du titre exécutoire, issue de la loi du 17 juin 2008, est acquise depuis le 19 juin 2018.
Le tribunal en déduit que l’exécution de l’ordonnance de 2006 est prescrite et que les commandements de payer des 27 octobre 2017 et 8 juin 2022 doivent être annulés.
Le tribunal judiciaire de Paris :
annule les commandements de payer des 27 octobre 2017 et 8 juin 2022,
constate la prescription du titre de 2006,
condamne EOS France à verser à la débitrice :
des dommages-intérêts pour préjudice moral,
1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
et les dépens.
Le juge souligne que la mauvaise foi du créancier justifie pleinement la réparation accordée, et rappelle que les poursuites fondées sur des titres prescrits portent atteinte aux droits fondamentaux des débiteurs.
Cette décision s’inscrit dans la ligne des jugements récents rendus à Paris, Versailles et Lille sanctionnant les sociétés de recouvrement qui tentent de relancer des créances prescrites.
Elle rappelle avec force que la prescription de dix ans pour l’exécution d’un titre exécutoire est d’ordre public et ne peut être prolongée par des actes de pure opportunité.