Le 15 janvier 2025, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Meaux a annulé un commandement de payer valant saisie-vente initié par la société Intrum Justitia Debt Finance AG et a déclaré abusive la clause de déchéance du terme contenue dans un contrat de crédit de 2002.
Cette décision, obtenue par Maître Paul-Emile BOUTMY pour sa cliente, s’inscrit dans le prolongement de la jurisprudence récente consacrant le contrôle des clauses abusives dans les procédures d’exécution.
???? Mise à jour le 5 octobre 2025
Tout remonte à une ordonnance d’injonction de payer rendue le 13 avril 2005 par le tribunal d’instance de Paris, condamnant l’emprunteuse à payer plus de 8 400 € à Sogefinancement.
Plus de dix-huit ans après, en novembre 2023, la société Intrum Justitia, cessionnaire de la créance, a fait délivrer un commandement aux fins de saisie-vente pour un montant dépassant 10 000 € (p. 2).
La défense a contesté la validité de cette mesure, soulevant notamment la prescription du titre, l’irrégularité de la signification, mais aussi le caractère abusif de la clause de déchéance du terme.
Le débat a porté sur la prescription applicable :
Avant la réforme de 2008, le délai était de 30 ans pour l’exécution des jugements civils.
Depuis la loi du 17 juin 2008, ce délai a été ramené à 10 ans.
L’emprunteuse soutenait que l’action était prescrite depuis 2015. Mais le juge a relevé que l’ordonnance de 2005 avait été régulièrement signifiée à personne et que la prescription avait été interrompue, de sorte que le titre demeurait valable (p. 6).
Le juge s’est attaché à l’examen de la clause contractuelle qui prévoyait la déchéance du terme en cas de défaillance de l’emprunteur.
En application de la directive 93/13/CEE sur les clauses abusives et de sa transposition dans le code de la consommation, une telle clause doit être écartée lorsqu’elle crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.
Or, la clause litigieuse laissait à la banque un pouvoir discrétionnaire pour exiger le remboursement immédiat de la totalité du capital restant dû, sans laisser à l’emprunteur la possibilité de régulariser sa situation (p. 7-9).
Le juge a donc déclaré cette stipulation abusive et réputée non écrite.
Conformément à la jurisprudence de la CJUE et de la Cour de cassation (avis du 11 juillet 2024), le juge a rappelé qu’une clause abusive est considérée comme n’ayant jamais existé et qu’elle prive d’effet le titre exécutoire dans la mesure où il s’appuie sur cette clause (p. 10).
Le tribunal judiciaire de Meaux a donc :
annulé le commandement de payer valant saisie-vente du 22 novembre 2023,
constaté le caractère abusif de la clause de déchéance du terme du contrat de 2002,
condamné Intrum Justitia Debt Finance AG à verser 2 500 € au titre de l’article 700 du CPC,
mis les dépens à la charge de la société de recouvrement (p. 11).
Cette décision s’inscrit dans un mouvement plus large initié par les juridictions parisiennes fin 2024, notamment par la formation collégiale du JEX de Paris le 13 novembre 2024 et confirmée le 7 janvier 2025.
Les juges de l’exécution prennent désormais appui sur le droit européen pour contrôler le caractère abusif des clauses contractuelles, y compris dans le cadre de titres exécutoires anciens.
Même un titre exécutoire ancien peut être fragilisé si son fondement repose sur une clause abusive.
Les intérêts prescrits et les majorations réclamées doivent être écartés lorsqu’ils excèdent les délais légaux.
La jurisprudence récente confirme que le juge de l’exécution doit contrôler d’office les clauses abusives, dans le prolongement du droit européen.
Qu’est-ce qu’une clause de déchéance du terme ?
C’est une clause qui permet au prêteur d’exiger le remboursement immédiat du prêt en cas d’impayé. Elle est jugée abusive lorsqu’elle ne prévoit aucun délai de régularisation.
Pourquoi la saisie a-t-elle été annulée ?
Parce que le titre sur lequel elle reposait était privé d’effet en raison de la clause abusive. Le créancier ne pouvait donc pas poursuivre l’exécution forcée.
Cette décision est-elle isolée ?
Non. Elle confirme une série de jugements récents obtenus par Maître Paul Emile BOUTMY à l'origine de cette jurisprudence (Paris, nov. 2024 et janv. 2025) qui renforcent le contrôle des clauses abusives dans les contrats de crédit.