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exception au principe de l'autorité de la chose jugée et saisie immobilière : un arrêt fondateur, la saisie annulée

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Le 20 juin 2025
La Cour d’appel de Paris annule une saisie immobilière fondée sur une clause abusive, malgré un titre définitif protégeant les droits du consommateur

Résumé détaillé – CA Paris, pôle 1 ch. 10, 5 septembre 2024, n° 23/11391

Par un arrêt du 5 septembre 2024, la cour d’appel de Paris, statuant en qualité de cour de renvoi après cassation, a profondément réaffirmé l’obligation du juge national d’assurer l’effectivité de la protection des consommateurs, telle qu’imposée par le droit européen, en particulier par l’article 7 § 1 de la directive 93/13/CEE.

L’affaire concernait un débiteur, M. [F] [Y], qui avait contracté deux prêts immobiliers auprès de la BNP Paribas en 2004 pour un montant total de 144.224 €, garantis par hypothèque. À la suite de difficultés de paiement, la banque avait prononcé la déchéance du terme après une mise en demeure portant sur un simple arriéré de 1.519,34 €, puis engagé une procédure de saisie immobilière sur le bien du débiteur, évalué à 100.000 €.

Le juge de l’exécution de Versailles, par jugement du 31 janvier 2020, avait validé la procédure de saisie. Ce jugement avait été confirmé par la cour d’appel de Versailles, puis cassé en toutes ses dispositions par un arrêt majeur de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 8 février 2023, rendu après avis de la deuxième chambre civile. Par cet arrêt de principe, la Cour de cassation a consacré une exception à l’autorité de la chose jugée, autorisant le juge de l’exécution à contrôler le caractère abusif d’une clause de déchéance du terme même en présence d’un titre exécutoire définitif, au nom de la primauté du droit européen et du principe d’effectivité de la protection des consommateurs.

Statuant à nouveau, la cour d’appel de Paris :

  • Déclare abusive et réputée non écrite la clause de déchéance du terme du contrat de prêt immobilier, au motif qu’elle laissait à la banque un pouvoir discrétionnaire pour exiger le remboursement immédiat du capital sans véritable préavis ni recours judiciaire ;

  • En conséquence, limite la créance exigible à la seule somme de 1.519,34 €, correspondant aux échéances impayées au 12 août 2011 ;

  • Ordonne la mainlevée du commandement de payer valant saisie immobilière du 8 août 2014, ainsi que celle de la procédure de saisie immobilière dans son ensemble, jugeant la mesure manifestement disproportionnée au regard de la créance réelle (inférieure à 2 % de la valeur du bien) ;

  • Déclare irrecevable le moyen de BNP Paribas tiré de l’application de l’article L. 643-1 du code de commerce (déchéance du terme de plein droit en liquidation judiciaire), au motif qu’il est nouveau et inopérant, le bien étant couvert par une déclaration d’insaisissabilité ;

  • Condamne BNP Paribas aux dépens, sans allouer de somme au titre de l’article 700.

Cet arrêt consacre de manière claire et concrète la primauté du droit de l’Union sur les règles internes de procédure civile, en illustrant la portée du principe d’effectivité de la protection du consommateur. Le juge national, y compris le juge de l’exécution, est tenu d’écarter l’autorité de la chose jugée lorsqu’elle ferait obstacle au contrôle du caractère abusif d’une clause insérée dans un contrat de crédit à la consommation ou immobilier. Cette décision marque une étape importante dans la jurisprudence française d’exécution, en matière de lutte contre les pratiques contractuelles déséquilibrées.