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Demande d'avis à la Cour de cassation pour clarifier le contrôle des clauses abusives en exécution forcée dans les contrats de consommation

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Le 18 avril 2025
Demande d'avis à la Cour de cassation pour clarifier le contrôle des clauses abusives en exécution forcée dans les contrats de consommation
Maître BOUTMY a engagé une procédure permettant au tribunal de solliciter la cour de cassation pour fixer la jurisprudence des clauses abusives

Formation collégiaile du Juge de l'exécution du Tribunal Judiciaire de Paris, 11 janvier 2024, n°20/81791

Contexte et Origine du Litige

  • Le 30 janvier 1998, Mme X Y (désignée également « Mme Z » dans l’exposé) souscrit une ouverture de crédit auprès de la société Finedis, contrat qui comporte une clause de déchéance du terme permettant au prêteur d’exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus et assorti d’une indemnité de résiliation, sans préavis ni délai raisonnable.
  • Suite à plusieurs restructurations (fusion de Finedis et UCCM, absorption par Sofinco, puis cession à EOS France), le contrat et son titre exécutoire se retrouvent entre les mains de la société EOS France.

Mesures d’Exécution et Contestations

  • Sur le fondement de l’ordonnance d’injonction de payer rendue le 12 novembre 2003, EOS France a initié des mesures d’exécution : délivrance d’un commandement de payer le 17 janvier 2019 et dénonciation d’un procès-verbal d’indisponibilité du certificat d’immatriculation du véhicule de Mme Z le 19 octobre 2020.
  • Mme Z a formé opposition à l’ordonnance (le 9 novembre 2020) et assigné EOS France devant le juge de l’exécution, sollicitant notamment :
  • Voir déclarer abusive et réputée non-écriture de la clause de déchéance du terme du contrat,
  • L’annulation totale ou partielle de l’ordonnance d’injonction de payer et des mesures d’exécution qui en découlent,
  • Un cantonnement de la dette au titre des échéances impayées, assorti d’un échelonnement,
  • Une indemnité de procédure de 2 500 €.

Fondements Juridiques et Enjeux

  • La question centrale porte sur le caractère abusif de la clause de déchéance du terme dans les contrats de consommation.
  • En droit de la consommation, et notamment au regard de la jurisprudence européenne (CJUE, notamment dans l’arrêt Banco Primus du 26 janvier 2017 et l’arrêt du 17 mai 2022) ainsi que des récentes décisions de la Cour de cassation (arrêts du 8 février et 20 mars 2023), une clause qui permet au prêteur de résilier le contrat sans préavis raisonnable est réputée abusive et, de ce fait, non écrite.
  • Toutefois, le titre exécutoire issu de l’ordonnance d’injonction de payer est devenu irrévocable (l’opposition de Mme Z ayant été déclarée irrecevable le 8 octobre 2021), et il soulève la question de savoir si le juge de l’exécution peut, dans le dispositif de son jugement, remettre en cause ce titre en raison de l’abus de la clause.

Questions Posées à la Cour de Cassation
Le juge de l’exécution sollicite expressément l’avis de la Cour de cassation sur les points suivants :

  1. Pouvoir de Contrôle de l’Abus de Clause :
  2. Le juge de l’exécution peut-il déclarer, d’office et dans le dispositif de son jugement, qu’une clause de déchéance du terme est abusive (et donc réputée non écrite) dans un contrat de consommation ayant donné lieu à un titre exécutoire ?
  3. Effets sur le Titre Exécutoire :
  4. Dans l’hypothèse où une telle clause est déclarée abusive, le juge peut-il annuler ou déclarer privé de fondement juridique le titre exécutoire issu de l’ordonnance d’injonction de payer, sachant que l’exigibilité de la créance en dépendait ?
  5. Peut-il, en conséquence, statuer au fond sur une demande en paiement ou limiter l’exécution (par exemple en cantonnant le titre à certaines échéances impayées) ?
  6. Implications Pratiques :
  7. La décision du juge de l’exécution affectera-t-elle la recevabilité d’éventuelles nouvelles demandes en paiement du professionnel, notamment au regard de la prescription biennale applicable aux intérêts en matière de crédit à la consommation ?

Conclusion et Portée de l’Avis Sollicité

  • Le juge de l’exécution, conscient de l’importance de fixer la jurisprudence sur ces questions en vue de nombreux litiges futurs concernant les clauses de déchéance dans les contrats de consommation, a décidé de surseoir à statuer en attendant l’avis de la Cour de cassation.
  • La décision sera transmise à la Cour de cassation accompagnée des conclusions et observations des parties ainsi que celles du ministère public, afin de clarifier les pouvoirs du juge de l’exécution en matière de contrôle de l’abus de clauses contractuelles lors de l’exécution forcée.

Cette demande d’avis, d’une portée considérable, vise à établir des repères jurisprudentiels essentiels quant à la protection des consommateurs dans le cadre de l’exécution forcée.