Le 13 février 2025, la cour d’appel de Versailles a rendu un arrêt important en matière de recouvrement de créances titrisées.
Elle a annulé deux saisies-attribution pratiquées en 2017 par le FCT Absus, représenté par sa société de gestion IQ EQ Management, et a constaté la prescription du jugement de 2003 qui servait de fondement aux poursuites.
Le débiteur était représenté par Maître Paul-Emile BOUTMY.
En septembre 2003, le tribunal de commerce de Versailles avait condamné l’emprunteur à payer plus de 45 000 € à BNP Paribas, avec intérêts contractuels de 10,7 %.
La créance avait ensuite été cédée à différents fonds de titrisation. En 2017, deux saisies-attribution d’un montant supérieur à 217 000 € ont été diligentées par le FCT Hugo Créances IV, représenté par la société de gestion GTI Asset Management. La créance a finalement été reprise par le FCT Absus.
La cour d’appel rappelle que le régime juridique des fonds communs de titrisation dépend du droit applicable au moment du transfert de créance :
Avant l’ordonnance du 4 octobre 2017 (entrée en vigueur le 3 janvier 2018), le code monétaire et financier (art. L.214-172 et L.214-180) imposait que le recouvrement des créances titrisées reste assuré par le cédant (ici BNP Paribas) ou par l’entité qui en était chargée avant la cession, sauf convention expresse et information du débiteur.
Or, le bordereau de cession du 4 décembre 2015, rectifié en décembre 2017, ne prévoyait aucune convention donnant mandat à GTI Asset Management pour recouvrer les créances.
Le débiteur n’avait pas non plus été informé par lettre simple d’un changement de l’entité chargée du recouvrement.
???? Conclusion : en 2017, GTI Asset Management n’avait pas qualité pour agir. Les saisies-attribution pratiquées à son initiative étaient donc nulles.
La cour d’appel a jugé que :
les saisies des 1er et 6 septembre 2017 étaient nulles et ne pouvaient produire aucun effet interruptif de prescription ;
le jugement de 2003, bien que régulièrement signifié, était devenu prescrit depuis le 19 juin 2018, faute d’actes interruptifs réguliers ;
le FCT Absus a été condamné aux dépens et à payer 3 500 € au débiteur au titre de l’article 700 CPC.
La clé de la décision réside dans l’application du droit en vigueur au moment de la cession de créance (2015) et des saisies (2017).
À cette époque, la société de gestion ne pouvait pas, en l’absence de mandat ou d’information du débiteur, exercer directement les actions de recouvrement.
Ce n’est qu’à compter de l’ordonnance de 2017 entrée en vigueur en janvier 2018 que la loi a donné expressément aux sociétés de gestion ce pouvoir.
???? En s’appuyant sur ce raisonnement, la défense a obtenu non seulement l’annulation des saisies, mais aussi la constatation de la prescription définitive du jugement.
Pourquoi les saisies de 2017 ont-elles été annulées ?
Parce qu’elles avaient été engagées par une société de gestion qui n’avait pas, en 2017, le pouvoir légal de recouvrer la créance, faute de mandat et d’information du débiteur.
Le jugement de 2003 était-il valable ?
Oui, il avait été régulièrement signifié. Mais il est devenu prescrit en 2018, les saisies de 2017 étant nulles et donc sans effet interruptif.
Quel est l’apport de cet arrêt ?
Il illustre l’importance du droit applicable à la date de la cession et des poursuites : les sociétés de gestion ne pouvaient pas, avant janvier 2018, agir directement en recouvrement sans mandat ou information.