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Le JEX de Pontoise rappelle qu’un créancier ne peut maintenir artificiellement une dette en vie : les petits paiements doivent s’imputer sur le capital

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Le 11 décembre 2025
Le JEX de Pontoise rappelle qu’un créancier ne peut imposer une dette perpétuelle : les paiements doivent s’imputer sur le capital lorsque l’accord tacite l’exige.

Le 31 mars 2023, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Pontoise a rendu un jugement majeur concernant une pratique qui touche de nombreux emprunteurs : l’imputation abusive des paiements sur les seuls intérêts, conduisant à maintenir artificiellement une dette en vie malgré des règlements parfois importants.

Ce jugement vise le FCT FONCRED II, géré par EUROTITRISATION, et porte sur l’exécution d’un crédit à la consommation racheté par un fonds de titrisation.
Il constitue aujourd’hui une référence car il rappelle très clairement que les petits paiements acceptés pendant des années ne peuvent pas être absorbés par les intérêts lorsque cela rend impossible toute extinction de la dette.

Le juge y consacre plusieurs pages et développe un raisonnement particulièrement structuré.


1. Le contexte : des paiements effectués pendant plus de 10 ans
Dans ce dossier, les emprunteurs avaient versé :

pendant plusieurs années, 50 € par mois,
en plus d’un premier versement de 2 320 € antérieurement au litige

jugement du 31 mars 2023 JEX PO…

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Pourtant, le créancier prétendait que ces paiements n’avaient jamais diminué le capital, car ils devaient, selon lui, s’imputer exclusivement sur les intérêts.

Ce type d’argument est fréquent lorsque des dettes anciennes sont revendues à des fonds : le débiteur paie, mais ne voit jamais sa dette baisser.


2. La règle invoquée par le créancier : l’imputation légale sur les intérêts
Le fonds se fondait sur l’ancien article 1254 du Code civil, selon lequel un paiement partiel s’impute d’abord sur les intérêts, sauf accord contraire.

Lui-même prétendait ne jamais avoir accepté une imputation sur le capital et soutenait donc que les paiements n’avaient pas fait baisser la dette.

Mais le juge va totalement renverser cette analyse.


**3. Le juge rappelle que la règle d’imputation n’est pas absolue
Le JEX de Pontoise rappelle d’abord que l’article 1254 est supplétif. Ce point est essentiel.

Le créancier peut y renoncer, y compris tacitement, dès lors que son comportement manifeste qu’il accepte un autre mode d’imputation.

Or le juge constate que dans ce dossier :

Les paiements de 50 € par mois étaient inférieurs au coût des intérêts mensuels.
Le jugement relève que ces versements « ne permettaient même pas de commencer à apurer la dette » si l’on suivait la règle d’imputation automatique sur les intérêts (page 6 du jugement)

jugement du 31 mars 2023 JEX PO…

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Le tribunal en conclut logiquement :

Si les paiements ne servaient qu’à payer des intérêts supérieurs au montant versé, la dette ne pourrait jamais diminuer.
Un tel accord n’aurait aucune raison d’être.
Autrement dit :
l’imputation automatique sur les seuls intérêts viderait de sens l’accord amiable, puisque la dette resterait éternelle.


4. Le juge constate une renonciation tacite du créancier
Le juge examine alors le comportement réel du FCT FONCRED II :

– acceptation des paiements pendant plusieurs années ;
– absence de refus, de contestation ou de mise en demeure indiquant que les versements ne seraient pas imputés sur le capital ;
– maintien de l’échéancier malgré des montants trop faibles pour couvrir les intérêts.

De cela, le juge déduit que :

Le créancier a renoncé tacitement à la règle d’imputation sur les intérêts.
Et cette renonciation est déterminante :
elle rend applicable l’imputation sur le capital, ce qui permet à la dette de diminuer effectivement.


5. Conséquence : les paiements doivent s’imputer sur le principal
Le jugement est extrêmement clair :

Tous les paiements effectués doivent être imputés sur le capital,
et non sur les intérêts, dont une grande partie était d’ailleurs prescrite (pages 6 et 7 du jugement)

jugement du 31 mars 2023 JEX PO…

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Le créancier ne pouvait donc pas, plusieurs années après, invoquer une règle supplétive pour reconstruire artificiellement une dette déjà largement apurée.

Le juge procède alors à un recalcul complet de la dette :

capital recalculé : 3 508,63 €,
intérêts sur deux ans seulement : 1 256,40 €,
paiements déjà effectués : 2 320 € + versements mensuels,
reste à devoir : 4 765,03 € (fixé par le dispositif)

jugement du 31 mars 2023 JEX PO…

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Sans cette interprétation, la dette aurait été beaucoup plus élevée, voire impossible à déterminer.


6. Une décision fondatrice contre les “dettes perpétuelles”
Ce jugement est fondamental pour plusieurs raisons :

il protège les débiteurs contre des dettes qui ne baissent jamais malgré les paiements ;
il rappelle que les créanciers professionnels ne peuvent instrumentaliser les règles d’imputation ;
il fait primer la logique de l’accord amiable et la bonne foi sur des calculs théoriques.
Le juge adopte un raisonnement de réalité :
si un paiement accepté pendant plusieurs années ne sert jamais à réduire la dette, alors il ne peut valoir accord.

Documents associés à cette actualité : skm_c450i25121113000.pdf